
En effet, notre système éducatif affiche la plus étrange et la plus paradoxale des prétentions: Préparer au monde en coupant du monde. Il pratique une détention anachronique avec toutes les connotations que contient ce terme : tristesse, ennui, inadaptation, médiocrité, agressivité, échec scolaire... inévitables dès que l’école sépare l’apprentissage de la réalité, dès que le système fonctionne en vase clos, pour lui-même et de surcroît avec des moyens et des méthodes désuètes.
Notre école se complaît dans son rhétorisme stérile et sa vacuité déconcertante.
Aussi est-il urgent d’en modifier fondamentalement le fonctionnement. Il faut obligatoirement commencer par redéfinir ses finalités et revoir ses stratégies ainsi que ses modalités, si on ne veut pas continuer à faire du gardiennage ou dans les meilleures conditions « former » d’inutiles rhéteurs névrosés et des bricoleurs du vendredi incultes.
Il est possible de faire autrement, mais à condition d’avoir le courage d’admettre sérieusement que l’Institution Educative est aussi stratégique, sinon davantage que l’Institution Militaire.
Il serait alors temps de lui donner tous les moyens nécessaires et adéquats pour relever les défis des siècles à venir et ce particulièrement en matière de communication et de la recherche scientifique et technique.
Certes, notre école a réussi, dans une grande mesure, « le démocratisation », plutôt la massification de l’enseignement ; mais, aujourd’hui, elle est contrainte de remporter la bataille de la personnalisation : c’est-à-dire renoncer à travailler à la périphérie des apprentissages, mais d’aller au cœur des problèmes que pose l’action pédagogique moderne.
Une Pédagogie Personnalisée consiste à percevoir, dorénavant, l’apprenant comme un Individu au centre du système avec qui nous devrons construire des itinéraires de réussite et non plus d’échec. Nos élèves sont, aujourd’hui, très loin du niveau des examens qu’ils devront passer à la fin de leurs cursus et encore plus loin de pouvoir s’intégrer harmonieusement dans une société de plus en plus complexe.
Mais on ne peut réussir ce projet et donner, par conséquent, un sens à notre école :
-sans transformer l’école en un espace d’expression libre où apprenants, enseignants, gestionnaires et parents d’élèves se sentent impliqués, sans exclusion aucune, au projet d’une école franchement algérienne et républicaine éduquant à la citoyenneté, à la liberté, au civisme et à la tolérance …
-sans valoriser le statut des enseignants en augmentant surtout leur salaire, leur redonnant une dignité,
-sans doter l’école d’outils didactiques modernes,
-sans promouvoir une véritable politique de la formation continue au profit des enseignants et des administrateurs aux nouvelles approches d’enseignements et de gestion,
-sans augmenter les divisions pédagogiques en construisant d’autres établissements et allégeant ainsi les effectifs de nos classes….
Sinon, tout débat sur la performance et le devenir de notre système éducatif demeurera purement démagogique … du bavardage de salon, car la situation est alarmante pour ne pas dire gravissime voire tragique. Toute la société est interpellée pour contribuer à prendre des décisions politiques courageuses afin d’assainir et restaurer notre école « sinistrée ».
Elle est devenue fascisante et on n’a rien vu venir …
M. DJOUDI. P.E.S. F.L.E. au Lycée R . Rédha LACHOURI.BISKRA
Article paru dans le quotidien La Nouvelle République du 15 mars 1998.