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Nouria Benghebrit-Remaoun, Une sociologue pour diagnostiquer le mal de l’école algérienne

Elle est une source d’espoir de l’école algérienne pour les uns et un danger pour les autres.

Sa nomination, en mai dernier, à la tête d’un département ministériel très sensible a révélé au grand jour le profond malaise qui ronge encore la société algérienne. Une société qui a non seulement perdu ses repères, mais est devenue plus intolérante et résistante à toute ouverture sur l’autre. En effet, la dame réalise déjà un premier record national : être le premier ministre contesté par les forces… de la régression avant même d’entamer sa mission. Une réaction idéologique qui provoque l’effet contraire, puisque la dame gagne encore plus de sympathie au sein de l’opinion et sur les réseaux sociaux.

Il s’agit de la nouvelle ministre de l’Education nationale, Nouria Benghebrit-Remaoun. Sociologue de formation, elle est confrontée, dès son arrivée au ministère de l’Education nationale, à l’un des phénomènes sociologiques propres à la société algérienne. Elle est attaquée d’abord sur ses origines supposées. Ses détracteurs affirment qu’«elle est d’origine juive et qu’il est dangereux de lui confier les destinées de l’école algérienne». Pour appuyer la charge contre la nouvelle ministre, ils pointent du doigt «sa maîtrise approximative de la langue arabe». Ce qui est, pour les conservateurs et les partisans du panarabisme en Algérie, «un crime de lèse-majesté». Mais le tintamarre provoqué autour d’elle ne l’a pas ébranlé.

Expérimentée, Nouria Benghebrit-Remaoun fait d’abord le dos rond avant de riposter. Violemment. «C’est une méconnaissance totale et dramatique, une absence de culture qui trahit ceux qui ont colporté ces informations», lance-t-elle. Mais elle s’est sentie obligée de se justifier : «Mon grand-père, fondateur de la Mosquée de Paris, était un grand humaniste. On reproche à cet homme son humanisme, lui qui, durant la Seconde Guerre mondiale, a sauvé des juifs aux côtés des Arabes qui ont vécu dans la paix totale. Ce qui dérange est de porter aujourd’hui un nom qui représente cette paix fondée sur un grand humanisme», précise-t-elle, dans un entretien à El Watan.

Ministre, chercheure et femme de terrain

Cependant les attaques contre elle ne s’estompent pas. Les mêmes détracteurs la soupçonnent également de vouloir supprimer l’arabe du système scolaire algérien. Une affabulation. Pourquoi suscite-elle une telle levée des boucliers ? Qui est-elle ? Nommée ministre de l’Education nationale le 5 mai 2014, cette dame dispose d’un CV très chargé. Née le 5 mars 1952 à Oujda (Maroc), Nouria Benghebrit-Remaoun obtient, en 1977, un diplôme d’études approfondies (DEA) en sociologie de l’éducation à l’université d’Oran.

Cinq ans après, en 1982, elle décroche un doctorat dans le même domaine d’études à l’université Paris V. Des diplômes qui l’aideront sans nul doute dans sa nouvelle mission. Elle sera, estiment certains observateurs, «la femme qu’il faut à la place qu’il faut». Et c’est une première dans un gouvernement algérien ; une spécialiste des questions relatives à l’éducation, la jeunesse, les femmes dans la société et la famille qui se chargera de diagnostiquer le profond mal qui ronge l’école.

Nouria Benghebrit-Remaoun doit disposer déjà d’une vision claire sur le système éducatif algérien. Elle est l’auteur de plusieurs textes, cahiers et ouvrages spécialisés sur, notamment, les thèmes de L’Ecole et la religion, L’Ecole algérienne : transformations et effets sociaux et Le Préscolaire en Algérie et au Maroc.

«On a noté dans les travaux qu’elle a faits une certaine précision de vue de la situation de l’éducation nationale. Cela nous laisse penser qu’elle peut apporter quelque chose de positif à un secteur qui a rudement besoin de s’améliorer», témoigne Bachir Senouci, ancien chercheur au Crasc et professeur de physique à l’université de l’ENSET. L’actuelle ministre de l’Education dispose aussi d’une expérience en matière de gestion. Elle a occupé plusieurs postes de responsabilité, dont celui de directrice de l’Unité de recherche en anthropologie sociale et culturelle (Urasc) de 1989 à 1992 et directrice du Centre national de recherche en anthropologie sociale et culturelle (de 1995 à sa nomination au ministère de l’Education).

Mais son «mandat» à la tête du Crasc d’Oran est apprécié différemment par les chercheurs qui l’on côtoyée. Sur internet, certains d’entre eux dénoncent «l’autoritarisme», «le népotisme» et «le favoritisme» qu’exerce la première responsable du Crasc au sein de son institution.
D’autres, en revanche, la décrivent comme «une personne serviable et travailleuse». «En tant que directrice, elle était très pointilleuse. Ce n’était pas la directrice détachée qui ne sortait pas de son bureau. Au contraire, elle était en permanence sur le terrain, les mains dans le cambouis. J’avais apprécié cela parce que dans ce genre d’institution, hélas, on remarque toujours l’absence de leadership. Ce n’était en tous cas pas le cas au Crasc !», soutient Nadhim Bahloul, directeur de projet à l’IDRH au Crasc.

Dernier espoir pour l’école algérienne ?

En tout cas, sa nomination à la tête du département de l’Education nationale fait renaître un certain espoir de voir sauver l’école algérienne d’un naufrage programmé. Ses prises de position contre l’ordre établi dans le secteur sont considérées comme des gages de bonne volonté. Elle dénonce le laxisme, le volume horaire de l’enseignement très bas et le système de seuil devenu une règle pour les candidats au bac. «Sa nomination à la tête du ministère de l’Education nationale a été un événement pour nous. On est contents pour l’Algérie et pour nos enfants. Avec elle, à tous les coups, ce secteur sortira de sa médiocrité», estime Amar Mohand-Amer, chercheur au CRASC. Le CV de la dame est suffisamment riche pour espérer un changement du système… éducatif national. Mais a-t-elle les coudées franches pour mettre en œuvre la vraie réforme de l’éducation ? Réussira-t-elle à vaincre le conservatisme et l’idéologie arabo-baathiste qui a pris en otages des générations d’Algériens ?

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