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Script de la vidéo : Aujourd’hui je souhaite m’exprimer sur le sujet de la place de la langue française en Algérie. Je profite pour répondre à notre ami, le député Khaled Tazaghart dont je salue le courage politique et le combat pour tamazight et la démocratie qui ne date pas d’aujourd’hui. Ce dernier a déclaré lors de l’émission Iminigen n Yid, mise en ligne sur youtube le 18 novembre dernier, que c’est à la France de défendre sa langue.

Je parlerai cette fois-ci en français afin d’être compris d’un maximum de gens parce que mon intervention ne se limite pas à une réponse à la déclaration de notre député mais veut, par la même occasion, s’interroger sur la place de la langue française en Algérie. Je tiens à préciser que ma chaîne youtube est plurilingue, ceci est un choix éditorial et je souhaite qu’on le respecte dans les commentaires. Et je vous remercie d’avance.   

Connaissant le parcours et le combat de Khaled Tazaghart, je ne pense pas que cette déclaration reflète ses idées mais elle révèle un malaise profond chez certains démocrates qui se voient aujourd’hui acculés à l’autocensure en raison de la côte dont bénéficie aujourd’hui dans les pays d’Afrique du nord l’islamo-arabisme soutenu politiquement et financièrement par l’argent de la rente pétrolière des monarchies du Golf à leur tête l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis.   

Non, monsieur Khaled Tazaghart, le français n’est pas la langue exclusive de la France mais c’est aussi notre langue à nous et nous sommes fiers d’appartenir au monde francophone. Le français n’est qu’une langue et ne s’apparente en rien au colonialisme, loin s’en faut. La langue française nous a, au contraire, libéré du colonialisme. Nous ne pouvons nier que toute l’élite algérienne qui était à l’avant-garde durant la guerre de libération nationale était francophone. Le français est un butin de guerre disait le grand écrivain Kateb Yacine.

Les intégristes ont bien compris que cette langue véhicule un projet de société aux antipodes du Califa qu’ils souhaitent vainement instaurer au pays de Abane Ramdane. Ils savent que notre intelligentsia est formée dans cette langue qu’il faut à tout prix diaboliser pour couper le reste du peuple de son élite et des idées de liberté que véhicule la langue de Molière.

La majorité des Algériens aiment la langue française. Pour cause, les écoles privées qui dispensent des formations en français connaissent un énorme engouement, et ce dans toutes les régions du pays. Pour rappel, vers la fin des années 90 et au début des années 2000, le gouvernement algérien avait exigé hypocritement des écoles du secteur privé de se conformer aux programmes de l’éducation nationale dont l’enseignement en langue arabe parce que toutes les écoles privées enseignaient en français. Sachant que l’accumulation des profits est la principale règle universelle qui anime le secteur privé, même si, à ce propos, la scène politique du pays ne connait pas de revendications linguistiques clairement identifiées, il est clair comme de l’eau de roche qu’il y a bel et bien une demande sociale en matière d’apprentissage de cette langue et dans cette langue.         

Outre la haine de certains idéologues, il y a une forme de jalousie envers les francophones qui, précisons-le, bénéficient d’un statut d’intellectuels dans le pays.

Les jeunes algériens d’aujourd’hui ont été à l’école arabisée et ce à leur corps défendant. Moi-même, j’ai fait mes études en arabe mais j’ai tout fait pour éviter d’être victime de l’arabisation. J’ai quand même réussi et tout seul à apprendre non seulement le français mais aussi ma langue kabyle que je parle et écrit. Mieux encore, je suis auteur en français et en tamazight. Au lieu d’entretenir une jalousie aveugle envers les francophones, je me suis battu pour en être un et c’est ce que je veux que les jeunes comprennent pour éviter de tomber dans le piège de certains extrémistes qui, eux, parlent très bien le français et vivent tous en France.    

Par ailleurs, certains me diraient qu’on ferait mieux d’enseigner en anglais. Certes l’anglais est une belle langue mais, il n’est un secret pour personne qu’elle n’a pas d’ancrage social et culturel dans notre pays. Et je ne risque de me tromper si j’affirme, sur la base d’éléments factuels, que le français a plus d’ancrage que l’arabe étudié à l’école que, d’ailleurs, l’écrasante majorité des Algériens ne comprend pas en dépit de son omniprésence. Je vous mets au défi de vous adresser à n’importe quel algérien dans la rue dans cette langue morte qui n’existe, en fait, que dans les livres. En revanche, on peut bien parler le français au quotidien sans que cela ne dérange personne. Pour étayer mes dires, je vous vais vous raconter une blague : c’est un jeune kabyle qui quitte la Kabylie pour la première fois pour se rendre à Alger où il avait rendez-vous dans un hôpital. On l’avait averti qu’à Alger on parlait arabe et il pensait que c’était l’arabe qu’il avait appris à l’école. Cherchant son chemin, il demande à un policier : sayidi echorti min fadhlika, ayena yodjed el moustachfa ? Le policier lui répond : aya hder bel3erbia khellina tranquille ! rire

Remarque, si vous dites, par exemple, cette phrase en algérien, vous n’avez aucun mot arabe et une structure grammaticale qui n’a absolument rien à voir avec les Qawa3id arabes. On dira alors qqc comme : win djay sbitar ? …     

Je vais conclure en disant que la langue française nous a donné de nombreux valeureux intellectuels qui peuvent tirer le pays vers le haut. Elle représente cette famille qui avance, pour reprendre le journaliste-écrivain Tahar Djaout. Elle est un butin de guerre ; elle fait partie intégrante des acquis de l’indépendance. Tous les Algériens, quelles que soient leurs langues (parce qu’il y en a au moins 3 : le tamazight, le français et l’arabe), leur religion, leur origine ou leur couleur de peau, doivent vivre ensemble dans le respect mutuel. Aucune langue n’est plus légitime que l’autre à partir du moment qu’elles existent toutes dans notre pays. Vouloir imposer aux autres sa vision du monde ne fera qu’enfoncer le pays dans la crise multidimensionnelle qui le maintient dans le sous-développement.   

Je m’arrête là tant le sujet est vaste. Merci de votre écoute, j’attends vos commentaires.

Je vous dis à très bientôt dans d’autres vidéos !   

Karim Kherbouche

Tag(s) : #Francophonie, #Langue française, #Politique
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