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120206_gq02b_enfant-punition_sn635.jpgVoici quelques extraits d’un livre très intéressant publié par Sylvie Ayral, intitulé La Fabrique des garçons. Sanctions et genre au collège (Puf,  Paris, 2011).  Cette enseignante chercheuse montre comment la mixité scolaire conduit les garçons, à l’adolescence, à affirmer leur masculinité en rejetant des caractéristiques encore perçues comme féminines, telles que la discrétion, la sagesse ou l’obéissance aux règles données.

80% des élèves punis sont des garçons.

Les garçons sont quatre fois plus punis que les filles, mais ils le sont pour des motifs sexués « masculins » : indiscipline, insolence, incivilités, dégradations, violences sur autrui.

Les garçons se retrouvent pris entre deux contraintes de conformité à réaliser : celle fixée par le règlement intérieur relayée par les agents institutionnels investis du pouvoir de punir d’un côté, celle de la virilité hétéronormative de l’autre, relayée par la communauté des pairs. La première exige discrétion, respect, travail et obéissance, la deuxième les pousse à enfreindre les règles, « jouer les fumistes », monopoliser l’attention, faire usage de leur force physique et s’afficher comme sexuellement dominants, même si cela reste la plupart du temps au niveau des paroles.”

Le but, dans la recherche de la sanction, est de se faire remarquer à tout prix devant le public féminin et de prouver ainsi son appartenance au groupe des « vrais hommes », en montrant métaphoriquement ses attributs sexuels. Sa quête relève d’une parade sexuée masculine dan un contexte de mixité et de construction de l’identité sexuée qui conduit les élèves masculins en particulier à afficher plus ostensiblement les stéréotypes attachés à leur sexe (Goffafman, 2002 ; Fize, 2003).

Le premier objectif est bien de donner la preuve de sa virilité , au sens de « potentiel supérieur de courage ». Le deuxième et de jouer les amuseurs publics, mettre de l’ambiance et augmenter ainsi sa cote e popularité et son pouvoir de séduction.

Au-delà de la punition, l’enjeu réel est la consolidation d’une identité masculine toujours faillible.

Elle est aussi (surtout ?) la preuve de l’accession au statut d’homme qui « en a «  et qui se démarque définitivement de la catégorie des « femmelettes », des « mauviettes », des « pédés », bref, de tout ce qui est « féminin ».

Les enseignants dénoncent l’inefficacité et l’effet négatif de la plupart des sanctions, chez les garçons. Pourquoi, dans ces conditions, continuer à punir, encore et encore, de plus en plus fort, si l’on sait que non seulement cela ne marche pas mais que cela produit l’effet inverse et stigmatise les garçons les plus « virils », fournissant au passage des modèles d’indentification pour les autres ?

Cette recherche montre que gérer ces phénomènes uniquement par la sanction et la répression participe, par effet de réflexivité et de façon pervers, à la reproduction d’une société dominée par les valeurs viriles.

Les punitions sont souvent sans lien logique avec la transgression : elles ne font que révéler ce qui est proscrit et n’apprennent rien sur le bon comportement ni les habiletés sociales à acquérir. L’éducateur doit donc faire de la punition un usage mesuré, en ayant toujours à l’esprit le souci du sujet. La sanction doit être pensée dans le respect de la construction psychique de l’être en devenir qu’est l’enfant.”

L’étude de Sylvie Ayral montre bien comment la transgression et la punition qui s’ensuit permet aux garçons d’être reconnus comme hommes, et de gagner en puissance et en séduction. C’est pourquoi ouvrir la réflexion sur les questions de sexe, de genre et de sexualité à l’école est extrêmement important pour sortir des stéréotypes qui régissent encore le féminin et le masculin, et éviter notamment que des élèves choisissent l’opposition à la règle pour affirmer leur masculinité.

Nathalie Anton, http://lewebpedagogique.com

Tag(s) : #Psychologie
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